Concurrence : De gros chantiers législatifs en attente

Concurrence : De gros chantiers législatifs en attente

Publié le : - Auteur : L'Economiste

Trente-trois ans de réflexions pour établir une politique de concurrence! Un premier texte de loi en 1953, un amendement en 1977 puis un Conseil avec un pouvoir décisionnel en 1986. Le clin d’œil du professeur françois Souty au parcours français n’est pas anodin(1). C’est «un exemple à ne pas suivre», estime ce haut responsable de la Direction générale de la concurrence. Au Maroc, l’on a déjà épuisé le forfait: un passage à vide de 2001 à 2009. Les Tunisiens en revanche ont fait mieux: leur Conseil prend une «quinzaine de décisions par an». En décrochant le Statut avancé en octobre 2008, Rabat devra s’atteler à un gros chantier législatif: harmoniser ses lois avec ceux de l’Union européenne. Et sans oublier la date butoir de 2012. Parallèlement, les pays signataires de l’Accord d’Agadir (Jordanie, Egypte, Tunisie et Maroc) doivent ajuster d’ici 2010 leurs lois sur la concurrence. Les «accords de libre-échange vont accentuer les mouvements de concentration des entreprises», selon Rachid M’Rabet, membre du Conseil de la concurrence. Au même moment, il va falloir prendre en compte les spécificités de l’économie marocaine: secteur informel, prédominance des PME-PMI, piratage, contrebande… L’équation se complique. Car l’adéquation entre politique économique et concurrentielle «suppose d’éviter une ouverture purement formelle», selon la formule de Frédéric Jenny. Le message du président du Comité du droit et de la politique de la concurrence à l’OCDE et membre de la Cour de cassation française est clair: pas d’institutions-vitrines. Il faut de plus établir une «liste des secteurs prioritaires pour le droit de la concurrence: transport, marché de commerce de détail et distribution…», précise Souty. La concurrence n’est pas seulement liée à la compétitivité économique. Il y a un enjeu d’indépendance politique: «déléguer tous les services publics à une seule société revient à enchaîner la prise de décision politique», selon le député PJD, Aziz Rebbah. Il existe par ailleurs un rapport étroit entre concurrence et gouvernance. Les «participations croisées ou la consanguinité des conseils d’administration sont des éléments redoutables», souligne Jenny. Et c’est particulièrement le cas dans les petites économies où appartenance régionale et liens familiaux ont leur poids. Lorsque l’économiste Larabi Jaïdi évoque le Conseil de la concurrence -dont il est également membre- et son environnement, ses propos sont sans équivoque: «Il faut admettre que le Conseil n’aura pas que des amis». L’instance devra à l’avenir prendre des positions. Et c’est particulièrement le cas en temps de crise. Donner des «aides à des secteurs en difficultés» et «soutenir des champions nationaux» ont des effets sur l’équilibre du marché.

Faiçal FAQUIHI
—————————————————————————————————————————————
(1) Le Conseil de la concurrence et l’Union européenne ont organisé le 23 avril à Rabat une journée d’étude sur «la concurrence et les grands débats de l’heure».

Partagez