Dans les dossiers d’exequatur, une pratique judiciaire impose le contradictoire en l’absence de base légale. Un frein à la célérité devant caractériser les affaires d’arbitrage. Et un facteur d’inquiétude pour les investisseurs.
Dans les juridictions marocaines, l’arbitrage tarde à prendre son envol. La lenteur des procédures en est la principale cause. En la matière, la célérité constitue pourtant un principe. C’est même l’essence de ce mode alternatif de règlement des litiges.
« Soumettre un litige à l’arbitrage c’est vouloir, d’abord et avant tout, échapper aux lourdeurs inhérentes à la justice étatique afin d’obtenir rapidement une décision exécutoire », rappelle Khalid Zaher, professeur de droit, arbitre et conseil, dans un entretien avec Médias24. Pour ce juriste, la pratique judiciaire fait ressortir certaines « déviances » qui expliquent en partie les lenteurs.
Dans des dossiers d’exequatur, les juges continuent d’exiger « la présence des parties », alors que la loi 08-05, qui constitue le cadre légal de l’arbitrage au Maroc, « n’impose nullement la procédure du contradictoire », nous explique Pr Zaher.
« Cette pratique, initiée et instaurée par les juridictions de Casablanca, retarde considérablement l’exécution effective de la sentence arbitrale au mépris des droits des parties et vide, en conséquence, le recours à l’arbitrage de tout son intérêt », déplore le juriste.
Exemple édifiant: Le litige opposant Ynna Holding à Fives FCB. Cette dernière a obtenu une sentence arbitrale favorable en 2011. Neuf ans plus tard, la société française court toujours après l’exequatur. Ce mécanisme permet de rendre « exécutoire », sur le sol marocain, une décision rendue à l’issue d’un arbitrage.
« Œuvre purement jurisprudentielle », le contradictoire dans les actions en exequatur s’achemine pourtant vers une consécration législative. « En effet, le projet de Code de l’arbitrage traduit en actes législatifs une pratique instaurée par les juges, au mépris des règles élémentaires de l’arbitrage et des standards internationaux en la matière« , alerte Khalid Zaher.
Annoncé depuis deux ans par le ministère de la Justice, le texte n’a pas encore dépassé le palier du Conseil de gouvernement.
Pour notre interlocuteur, le constat est sans appel: « l’évolution de la pratique marocaine de l’arbitrage est plutôt négative« . Un cadre légal efficace n’est pourtant pas un luxe. Et va de pair avec des efforts consentis par le Maroc, en vue d’encourager les investisseurs, notamment étrangers, et « de les rassurer faute d’efficience de l’arbitrage ».
Casablanca est appelée à devenir un hub de l’arbitrage en Afrique. Or, aujourd’hui, « la majorité des litiges impliquant des parties africaines sont réglés en dehors du continent, et cela pour des raisons multiples qui ont notamment trait aux préjugés à l’égard des systèmes judiciaires du continent », note Said Ibrahimi, Directeur général de Casablanca Finance City au cours d’un échange avec Médias24.
Opérationnel depuis 2016, le Centre International de Médiation et d’Arbitrage (CIMAC), vient justement « répondre à ce besoin de régler des litiges entre parties africaines sur le continent, à Casablanca, aux normes internationales et avec toutes les garanties requises », ajoute Ibrahimi.
Impulsé par le CFC, le CIMAC est constitué de seize arbitres, de quatorze nationalités différentes, couvrant les quatre langues officielles du CIMAC (anglais, arabe, espagnol et français). Il est présidé par Laurent Lévy, sommité mondiale de l’arbitrage international.
Dès le lancement de CFC, « l’objectif était de doter la place d’un centre de médiation et d’arbitrage de renom », explique M. Ibrahimi. Et ce, dans un contexte où « les modes extrajudiciaires sont particulièrement utilisés au sein des places financières », affirme-t-il. C’est le cas des membres de la communauté CFC, qui comptent plus de 2 000 entreprises internationales, « habituées à des voies souples et rapides de règlement des litiges ».
Par A.E.H.