Le nouveau bâtonnier du barreau de Casablanca, Me Tahar Mouafik, porte à l’attention du CSPJ de nombreux dysfonctionnements au sein des juridictions casablancaises. Certains sont liés aux délais, d’autres aux procédures parfois incohérentes. En voici l’essentiel.
Me Tahar Mouafik, bâtonnier du barreau de Casablanca, a adressé une note au président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), Mohamed Abdennabaoui, dans laquelle il énumère plusieurs “handicaps”, empêchant les avocats d’exécuter au mieux leur devoir.
Entre les difficultés liées aux délais et l’absence d’homogénéité des procédures, voici les divers dysfonctionnements relevés par les robes noires au sein des tribunaux de la capitale économique et portés à l’attention du CSPJ.
Délais judiciaires: Parfois trop longs, parfois pas assez
Selon le bâtonnier récemment élu, les juridictions casablancaises, dont le tribunal de première instance de commerce et la Cour d’appel de commerce, accordent des délais de réponse qui ne dépassent pas une semaine.
Dans sa note, Me Mouafik souligne que “la célérité et l’efficacité judiciaires nécessitent que le traitement des délais ne soit pas établi selon un seul critère”, sachant que les affaires judiciaires diffèrent les unes des autres et qu’elles “ne sont pas toutes au même niveau”.
Aussi, le bâtonnier rappelle que certaines contraintes pèsent particulièrement sur les avocats de la ville de Casablanca, où la pluralité des juridictions et leur dispersion géographique compliquent le travail des robes noires. “Il leur est difficile d’accorder le soin nécessaire à chaque affaire dans des délais aussi courts. Ce qui ne sert ni la justice ni les droits des citoyens”, souligne Me Mouafik.
Autre problématique liée aux délais: celle du temps que nécessite la préparation des copies de jugements.
Selon le bâtonnier, de nombreux avocats se plaignent du retard de la préparation des décisions et jugements. “Dans certains tribunaux, cela peut prendre trois mois pour obtenir la copie”, rapporte-t-il.
“De ce fait, il est inacceptable que les juges cherchent à préparer le dossier pour réflexion ou délibération en accordant de courts délais, et qu’après le prononcé du jugement, la copie n’est prête qu’après plusieurs mois”, poursuit la même source.
En effet, les difficultés d’accès aux décisions judiciaires n’échappent pas aux juristes qui en pâtissent depuis plusieurs années. Certains sont pressés par des délais, notamment pour exercer une voie de recours, alors que d’autres tentent d’y accéder pour des besoins de recherches juridiques.
Dans tous les cas, l’accès gratuit à la jurisprudence, longtemps réclamé par les professionnels, a été recommandé par la Commission spéciale pour le nouveau modèle de développement qui préconise dans son rapport, la mise en place d’une plateforme dédiée et accessible à tous.
Appel à l’homogénéité
Parmi les dysfonctionnements relevés par les avocats de Casablanca, le bâtonnier cite les incohérences quant aux procédures mises en œuvre au sein d’une même juridiction.
Pour Me Mouafik, l’absence d’unification, qui impacte l’accès à la justice, a généralement lieu “à chaque fois que de nouveaux magistrats intègrent un tribunal”.
A titre d’exemple, le bâtonnier indique que certains juges ne répondent à la requête d’enquête dans les contentieux du travail qu’à condition d’y joindre une liste de témoins, alors que d’autres magistrats, au sein du même tribunal, n’exigent pas la présentation de cette liste.
Outre l’unification des procédures au sein des tribunaux, Me Mouafik appelle à unifier les vacances judiciaires.
Selon lui, ces dernières années ont été marquées par un décalage entre les trêves estivales d’un tribunal à l’autre ce qui “impacte négativement le travail des avocats qui n’arrivent pas à bénéficier de vacances”.
Me Mouafik appelle le président délégué de la CSPJ à unifier la période de repos pour toutes les juridictions et permettre ainsi “à toute la famille judiciaire de bénéficier des mêmes vacances”.
Enfin, le dernier point soulevé par le bâtonnier du barreau de Casablanca porte sur la non-exécution, par certains juges, de l’article 32 de la loi 28-08, organisant la profession d’avocat.
“Certains juges éludent les dispositions de l’article 32 et ne les exécutent pas dans les procédures qui nécessitent la représentation d’un avocat”, alerte-t-il.
L’article en question consacre le droit aux justiciables, sous réserve d’autorisation accordée par le président du tribunal, de suivre eux-mêmes la procédure de première instance.
Il s’agit d’une exception à l’article 31 selon lequel “les avocats inscrits au tableau des barreaux du Royaume sont seuls habilités, dans le cadre de la représentation et de l’assistance des parties, à présenter les requêtes, conclusions et mémoires de défense dans toutes les affaires à l’exception des affaires pénales, de pension alimentaire devant les tribunaux de première instance et les cours d’appel et des affaires qui sont de la compétence des tribunaux de première instance en dernier ressort”.