Des tragiques événements de Kénitra, l’opinion publique retient aussi, outre les images de morts et blessés, celles du bâtiment écroulé. Les immeubles qui s’effondrent ne sont plus un fait rare (cf. www.leconomiste.com). Lequel des intervenants dans l’acte de bâtir est responsable? L’architecte, le promoteur, l’ingénieur ou le bureau de contrôle? Ou bien est-elle partagée? Pour répondre à cette question, l’Association des ingénieurs de l’école Mohammadia a organisé, vendredi dernier, une journée autour du thème « la responsabilité dans l’acte de bâtir». Objectif: sensibiliser tous les intervenants dans l’acte de bâtir, du cadre réglementaire de l’exercice de leurs professions et surtout dresser un état des lieux en matière de risque et de responsabilité dans l’acte de bâtir.
Cette journée a eu le mérite de faire ressurgir une fois encore les luttes intestines entre les différents intervenants. Mais, tous ont été unanimes sur la nécessité d’une refonte du régime juridique régissant le secteur surtout en termes de responsabilité.
En effet, du point de vue juridique, plusieurs problèmes se posent. Parmi les reproches qui ont été faits à l’article 769 du dahir des obligations et des contrats (DOC), figure la limitation de la responsabilité à trois intervenants: l’architecte, l’ingénieur et l’entrepreneur. Référence est ici faite au caractère jugé obsolète de l’article. «Or, l’acte de bâtir met à contribution un nombre important d’intervenants dont les responsabilités s’enchevêtrent et qui ne sont malheureusement pas prévus par l’article 769 du DOC», explique Abdelmajid Choukaili, expert en construction. Sur le plan juridique, leurs obligations et responsabilités restent encore à identifier. Le code de l’urbanisme adopté en Conseil de gouvernement jeudi dernier n’a pas rectifié le tir. «Il manque des articles sur les tâches des différents intervenants», déplore Mostafa Meftah, directeur délégué de la Fédération nationale du bâtiment et des travaux publics. Le flou juridique va donc persister.
Sur le plan pénal, «les dispositions des lois relatives à l’urbanisme, peu dissuasives, vont pousser le juge à recourir aux dispositions du code pénal (homicide et blessures involontaires…)», avance Abdeslam Chikri, directeur des affaires juridiques au ministère de l’Habitat. C’est justement le cas de l’affaire de l’effondrement de l’immeuble de Kénitra où le juge a prononcé huit condamnations de 1 à 3 ans de prison ferme.
Recommandations
En clôture de cette journée, les participants sont sortis avec des recommandations ayant pour but de clarifier le régime juridique de la responsabilité dans l’acte de bâtir et des conditions d’exercice des différentes professions. Ils ont également appelé au développement du dispositif normatif et réglementaire régissant le secteur. Les intervenants ont mis aussi l’accent sur la nécessité d’élaboration d’un code de la construction ainsi que la création d’un conseil national des professionnels du bâtiment. Une commission sera désignée ultérieurement pour le suivi de ces recommandations.
Saad Souleymane BOUHMADI