Au Maroc, impossible de créer une société et pas seulement à cause du Covid-19

Au Maroc, impossible de créer une société et pas seulement à cause du Covid-19

Publié le : - Auteur : Medias24.com

La procédure de création d’entreprises est suspendue au niveau de tous les CRI du Royaume en raison de l’arrêt des services du Registre du Commerce. La procédure électronique n’est toujours pas opérationnelle.

« Nous portons à la connaissance de nos usagers que suite aux mesures de sécurité prises par le Tribunal de Commerce de Casablanca, le dépôt des dossiers de création d’entreprises est temporairement suspendu au niveau du CRI jusqu’à nouvel ordre. Ces mesures sont prises pour garantir la sécurité de tous! En vous remerciant pour votre compréhension ».

C’est le message affiché sur le site Casa Invest, du Centre régional d’investissement de Casablanca-Settat. Contacté, le CRI de la région de Casablanca-Settat nous confirme qu’en effet, le service de dépôt des dossiers de création d’entreprises n’accepte plus de nouveaux dossiers depuis début avril et cela à cause de l’arrêt des services de gestion du Registre de Commerce des tribunaux. « Nous n’allons pas réceptionner des dossiers que nous ne pourrons pas traiter », nous explique-t-on.

« Nous avions un stock d’une centaine de dossiers déposés avant la suspension du service, nous venons à peine de les débloquer en prenant toutes les mesures de précaution nécessaires », nous explique notre source.

Ce n’est pas que la création qui est suspendue. Ce sont toutes les opérations relatives au Registre du Commerce qui le sont.

Selon nos informations, la suspension du dépôt des dossiers de création d’entreprises concerne tous les CRI du Royaume. Cela dit, certains CRI avaient suspendu ce service non à cause de la pandémie et des mesures sanitaires qui l’accompagnent mais parce qu’il ne fait plus partie des missions des CRI nouvelle génération.

La fin du guichet unique du CRI

Une source informée nous explique que dans le cadre de la nouvelle réforme, les CRI ne sont plus amenés à jouer le rôle de guichet unique de création au sens classique de dépôt des dossiers, mais doivent apporter une assistance et une aide aux investisseurs pour réaliser les procédures administratives nécessaires à la création d’entreprises.

Dans ce sens, « la dématérialisation de la procédure de création d’entreprise devait jouer un rôle primordial dans cette réforme », poursuit notre source. En effet,  la loi 88-17 relative à la création et à l’accompagnement de l’entreprise par voie électronique a été publiée au Bulletin officiel le 21 janvier 2019.

Cette loi dispose que la création d’entreprise doit se faire, obligatoirement, par voie électronique. Les procédures doivent s’effectuer uniquement par voie électronique et toutes les administrations intervenant

dans le processus continueront à offrir leurs services à travers la plateforme en question, d’une façon totalement dématérialisée. La voie classique devait être abandonnée.

Sur le terrain, il en est autrement. Pour que la loi entre en vigueur, il faut des décrets d’application qui n’ont toujours pas vu le jour.

L’article 12 de cette loi dispose : « La présente loi entre en vigueur à compter de la date de publication au bulletin officiel des textes réglementaires nécessaires à son application, et ce, dans un délai n’excédant pas un an, sous réserve des dispositions ci-après (…) ».

En d’autres termes, les décrets d’application devaient être publiés avant le 21 janvier 2020, afin que la loi soit effective. Ce ne fut pas le cas.

L’OMPIC est prêt

Les textes applicatifs n’ont toujours pas été publiés alors que « la plateforme technique, elle, est prête », nous assure une source proche du dossier.

C’est l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) qui a été chargé de la conception et de la gestion du projet. En juillet 2018, l’Office nous expliquait avoir déjà entamé le déploiement de la plateforme dans un environnement de pré-production.

L’OMPIC a réalisé, il y a plus d’un an et demi, les tests système en collaboration avec les différents organismes et administrations intervenant dans la création (tribunaux, impôts, CNSS) ainsi qu’avec les professionnels à travers des focus groups créés en partenariat avec l’Ordre des notaires, l’Ordre des experts-comptables, l’association des barreaux du Maroc et l’organisation professionnelle des comptables agréés du Maroc.

Contacté par Médias24 ce vendredi 24 avril, l’OMPIC assure que les textes sont dans la phase de finalisation en collaboration avec les parties prenantes concernées, et confirme que les démarches relatives à la création d’entreprises sont entièrement finalisées et peuvent être mises en ligne dès publication des décrets.

Un rendez-vous manqué

Indépendamment des raisons pour lesquelles cette loi n’est pas encore entrée en vigueur, ce que l’on retient, c’est un autre rendez-vous manqué par le Maroc.

Comment expliquer que la création d’entreprises soit tout bonnement à l’arrêt ? Certes, à cause de la crise, les entrepreneurs ne se bousculent pas au portillon pour créer des entreprises. Mais que faire de ceux, par exemple, qui développent des solutions pouvant justement contribuer à atténuer la crise sanitaire et qui auront avoir besoin de se doter d’une forme juridique de personne morale ?

Dans un climat aussi incertain, toute volonté d’entreprendre doit être prise par la main et accompagnée. De plus, dans ce contexte de pandémie où les mesures sanitaires exigent la distanciation sociale, la dématérialisation de la création d’entreprises aurait été salutaire…

 

Par : Hayat Gharbaoui

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