France – Jurisprudence : Présomption du caractère professionnel des connexions internet effectuées par un salarié sur son lieu et temps de travail

France – Jurisprudence : Présomption du caractère professionnel des connexions internet effectuées par un salarié sur son lieu et temps de travail

Publié le : - Auteur : Lamy Line Reflex

Le requérant de l’espèce, engagé par une société en qualité d’ingénieur, est devenu responsable de production et de contrôle informatique. Il a été licencié pour faute grave.
Il est fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir considéré son licenciement comme fondé.
Au soutien de son pourvoi, il invoque les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, 9 des Codes civil et de procédure civile et L. 120-2 du Code du travail desquels il résulte, à le suivre, que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; celle-ci impliquant en particulier le secret de ses communications. 
Aussi, l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des sites internet consultés par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail.Et de relever qu’en l’espèce, les juges d’appel ont  retenu, pour décider que son licenciement est justifié par une faute grave, notamment le fait qu’il a utilisé l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur à des fins personnelles et abusives et se sont fondés pour établir ce comportement sur les sites internet consultés par le salarié ; ce que l’employeur a découvert en inspectant l’ordinateur mis à la disposition du salarié par la société.  
Et d’en déduire qu’en statuant ainsi, ils auraient violé les textes précités.
Le requérant fait également valoir qu’en toute hypothèse, il résulte de ces mêmes textes que, sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut rechercher les sites internet consultés par un salarié en inspectant le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition par la société qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé.
Or, la Cour d’appel, pour déclarer sa faute grave comme établie, se fonde sur le contrôle effectué à l’insu du salarié par la direction de l’entreprise sur le disque dur de son ordinateur et sur une expertise effectuée également en l’absence du salarié. Aussi, en statuant en ce sens, la Cour d’appel aurait violé les textes susvisés. La chambre sociale de la Cour de cassation ne le suit pas sur ce terrain.
En effet, pour les Hauts magistrats,  » les connexions établies par un salarié sur des sites internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence « .
Sur le présent arrêt, voir obs. Costes L. et Auroux J.-B., in RLDI 2008/41 n°1367.
Lionel Costes et Jean-Baptiste Auroux

Cass. soc., 9 juill. 2008, n° 06-45.800
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE.
Formation restreinte.
PRUD’HOMMES

9 juillet 2008.Pourvoi n° 06-45.800. Arrêt n° 1392.Cassation partielle partiellement sans renvoi.
BULLETIN CIVIL.
Statuant sur le pourvoi formé par M. Franck Laneque, domicilié […],
contre l’arrêt rendu le 27 septembre 2006 par la cour d’appel de Nancy (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Entreprise Martin, société anonyme, dont le siège est […],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 11 juin 2008, où étaient présents : M. Chauviré, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, M. Funck-Brentano, conseiller référendaire rapporteur, MM. Linden, Lebreuil, conseillers, Mme Grivel, conseiller référendaire, M. Aldigé, avocat général, Mme Mantoux, greffier de chambre ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué que M. Laneque, engagé le 1er juillet 1991 par la société Entreprise Martin en qualité d’ingénieur est devenu responsable de production et de contrôle informatique ; qu’il a été licencié pour faute grave le 24 février 2004 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Laneque fait grief à l’arrêt d’avoir jugé son licenciement fondé sur une faute grave, alors, selon le moyen :
1°/ qu’il résulte de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9 du code civil, de l’article 9 du code de procédure civile et de l’article L. 120-2 du code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret de ses communications ; que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des sites internet consultés par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail ; qu’en l’espèce, la cour d’appel retient, pour décider que licenciement de M. Laneque est justifié par une faute grave, notamment que le salarié a utilisé l’outil informatique mis à sa disposition par l’employeur à des fins personnelles et abusives ; qu’elle s’est fondée pour établir ce comportement sur les sites internet consultés par le salarié, ce que l’employeur a découvert en inspectant l’ordinateur mis à la disposition du salarié par la société ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel viole les textes susvisés ;
2°/ qu’en toute hypothèse, il résulte de ces mêmes textes que, sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut rechercher les sites internet consultés par un salarié en inspectant le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition par la société qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé ; qu’en l’espèce, la cour d’appel, pour déclarer la faute grave de M. Laneque établie, se fonde sur le contrôle effectué à l’insu du salarié par la direction de l’entreprise Martin sur le disque dur de son ordinateur et sur une expertise effectuée également en l’absence du salarié ; qu’en statuant ainsi, la cour d’appel viole les textes susvisés ;
Mais attendu que les connexions établies par un salarié sur des sites Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier, hors de sa présence ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. Laneque fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de sa demande d’indemnité pour inobservation des règles de la procédure de licenciement alors, selon le moyen, qu’il résulte de l’article 455, alinéa 1er, et de l’article 458, alinéa 1er, du code de procédure civile que les jugements doivent être motivés, à peine de nullité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a débouté M. Laneque de sa demande d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement ; qu’en statuant ainsi, sans donner aucun motif au soutien du dispositif de sa décision, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du premier des textes susvisés ;
Mais attendu que l’arrêt, en dépit de la formule générale du dispositif qui déboute le salarié de toutes ses demandes, n’a pas statué sur la demande d’indemnité pour l’inobservation des règles de la procédure de licenciement dès lors qu’il ne résulte pas des motifs de la décision que la cour d’appel l’a examinée ;
Que l’omission de statuer pouvant être réparée par la procédure prévue à l’article 463 du code de procédure civile, le moyen n’est pas recevable ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l’article L. 511-1 du code du travail ;
Attendu que pour déclarer le juge prud’homal incompétent pour connaître d’une action en réparation du préjudice subi par un salarié en exécution d’un pacte d’actionnaires prévoyant en cas de licenciement d’un salarié la cession immédiate de ses actions à un prix déterminé annuellement par la majorité des actionnaires, la cour d’appel a relevé par motifs propres et adoptés que la demande n’est pas fondée sur le contrat de travail et qu’elle a été formée par l’intéressé en sa qualité d’actionnaire ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la demande en paiement de dommages-intérêts d’un salarié en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait de son licenciement constitue un différend né à l’occasion du contrat de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Vu l’article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande en paiement de dommages-intérêts de M. Laneque en réparation du préjudice causé par les conditions particulières de cession de ses actions en raison de la perte de sa qualité de salarié du fait de son licenciement, l’arrêt rendu le 27 septembre 2006, entre les parties, par la cour d’appel de Nancy ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi du chef de la cassation ;
DIT que le juge prud’homal est compétent pour connaître de l’action de M. Laneque en réparation de ce préjudice ;
Renvoie devant la cour d’appel de Nancy, autrement composée, mais uniquement pour qu’elle statue sur les points restant en litige ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Entreprise Martin à payer à M. Laneque la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille huit.
Sur le rapport de M. Funck-Brentano, conseiller référendaire, les observations de Me Blondel, avocat de M. Laneque, de Me Balat, avocat de la société Entreprise Martin, les conclusions de M. Aldigé, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
M. CHAUVIRÉ, conseiller le plus ancien faisant fonction de président.

Partagez