Anti-blanchiment : Les établissements de crédit trainent les pieds

Anti-blanchiment : Les établissements de crédit trainent les pieds

Publié le : - Auteur : L'Economiste

DEPUIS que l’argent sale finance le terrorisme, l’étau se resserre. Ailleurs et au Maroc où, dès 2003, le Parlement a adopté une loi de lutte contre le terrorisme. Incrimination de financement, collecte d’informations, gel ou confiscation de fonds et de biens…
L’effet 11 Septembre rejaillit également à Bank al-Maghrib. Puisque la banque centrale va imposer via une fameuse circulaire l’obligation de vigilance aux établissements financiers. Puis sera promulguée le 17 avril 2007 la loi anti-blanchiment de capitaux. L’Unité de traitement du renseignement financier est née. Et dont le président, Hassan Alaoui Abdallaoui, a présenté, jeudi 4 novembre à Rabat, le premier rapport à la Primature. Son autorité de tutelle.
Abdallaoui a été nommé à la présidence de l’Unité en avril 2009. Parmi 13 membres des représentants de ministères (Justice, Intérieur et Finances), d’Administrations telles que la Douane ou l’Office des changes, de la Gendarmerie et la Sûreté nationale….
Six mois après son installation, «l’Unité de traitement financier (URF) commence à recevoir et à traiter les premières déclarations de soupçons faites par des établissements bancaires». Il y en a eu onze au total, dont 7 relevées par les banques entre avril 2007 et octobre 2009. Les établissements de crédits à la consommation en ont constaté 25%. Les déclarations ont porté notamment sur des versements en espèce assez «inhabituels». Il y a aussi des tentatives de rapatriement de grosses sommes d’argent, «basées sur des documents douteux». Voir aussi des opérations de changes effectuées par des personnes ayant «un profil inadéquat».
La présidence, relève au passage, le «faible» nombre des déclarations de soupçons faites par les établissements de crédits. D’où aussi la volonté de les sensibiliser, encore plus les établissements non financiers. Pas de renseignement sans coopération. Le Statut avancé dont bénéficie le Maroc auprès de l’Union européenne inclut aussi une convergence réglementaire. Elle s’est traduite aussi par un jumelage: les Cellules de renseignements française et espagnole ont été particulièrement sollicitées.
Les Français ont par exemple apporté une assistance à «l’élaboration de fiches de postes». Leur mission de trois jours (du 4 au 9 mai 2009) sur le sol marocain était liée au budget et au recrutement. Comme pour le Conseil de la concurrence, le redéploiement de hauts cadres administratifs a servi à étoffer les 4 départements de l’Unité: réglementation, documentation et analyse, étude et coopération internationale puis informatique et logistique.
Passer de 11 à 25 salariés, telle a été la prévision de recrutement annoncée pour fin juin 2010. L’assistance française a été également sollicitée pour la construction du siège, notamment en termes de sécurité. Les Espagnols devaient fournir un logiciel -spécial renseignement financier- mais ça n’a pas abouti. Le rapport 2009, dont L’Economiste détient copie, n’en donne pas les raisons. L’URF a par ailleurs diffusé en septembre 2009 deux décisions relatives à l’obligation de vigilance et à la déclaration de soupçon. Si l’installation de l’Unité a été «relativement rapide (6 mois), le retard pris pour l’adoption de son règlement intérieur a pesé sur certaines activités: répartition des tâches, procédures de communication des infos…», indique le rapport.
Sur le plan opérationnel, le gel des avoirs est une procédure déterminante. Et où, à l’instar des déclarations de soupçons, les départements juridiques des banques y jouent un rôle central. Le gel des avoirs est la transposition d’une résolution 1.267 du Conseil de sécurité de l’ONU. Relayée ainsi par l’article 37 de la loi anti-blanchiment de capitaux. Dès avril 2009, l’Unité a reçu et traité des demandes de gel de biens pour motif d’infraction de terrorisme. Celles-ci émanent bien entendu d’autorités internationales habilitées à enquêter. L’URF a d’ailleurs «convenu avec le ministère des Affaires étrangères» d’une procédure bien définie.
La liste des suspects -communiquée de l’étranger- «n’a révélé aucune détention d’avoirs» aux noms des personnes physiques ou morales. Le rapport des Renseignements financiers indique en revanche «l’existence de cas exceptionnels», dont les biens étaient gelés avant la création de l’Unité anti-blanchiment. Aucune statistique n’est mentionnée. Sur quelle base juridique ces procédures ont été faites? La loi pénale de 2003, à priori.
Sachant qu’il n’y avait aucun texte régissant à l’époque l’accès aux données personnelles. Ce qui induit que les services secrets marocains s’occupaient depuis longtemps de pister les suspects (terroristes notamment) et leurs biens. D’où d’ailleurs une autre grande interrogation: comment se fait-il que la création de l’URF se fait en avril 2009 et parvient le même mois à «exercer ses attributions en matières de demandes de gel de biens»?
Quoi qu’il en soit l’échange d’information est décisif dans ce milieu. Son efficience est «un critère pour adhérer au Groupe Egmont». Crée en 1995, il regroupe les 118 cellules de renseignements financiers du monde. D’ailleurs le Maroc prépare son adhésion en juin 2011 à ce réseau international d’échange d’informations. Une seule demande a été reçue fin 2009 par l’Unité marocaine. Elle n’a été «satisfaite» qu’en 2010, après l’adoption du règlement intérieur et des procédures d’échange d’informations.


Réformes

LA loi n°43-05 relative à la lutte contre le blanchiment d’argent sera amendée. Le projet de loi, parrainé par l’Unité de traitement du renseignement financier a été adopté par le conseil des ministres le 19 juin 2010. Une première mouture s’est attelée à modifier les règles de vigilance imposées aux établissements financiers notamment. Parallèlement, il y a eu une proposition d’amendement du code pénal. Le ministère de la Justice a sollicité son report. Vu la réforme qu’il prépare: les codes pénal et de procédure pénale -aux côtés du code de commerce notamment- subissent un toilettage. L’Unité demande par ailleurs à ce que la réforme de la législation pénale se fasse dans «les meilleurs délais». C’est «impératif» pour rendre notre dispositif conforme aux normes internationales.

Faiçal FAQUIHI

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