Un registre public pour contrer le blanchiment des capitaux. Les sociétés devront obligatoirement déclarer leurs bénéficiaires effectifs. Des sanctions en cas de non-déclaration ou de fausse déclaration.
Au Maroc, le régime de l’information financière entame une nouvelle ère. Sociétés commerciales et constructions juridiques (trust, fiducie) seront soumises à des règles plus accrues, leurs « bénéficiaires effectifs » listés dans un registre public. Publié au Bulletin officiel, un décret ouvre la voie à l’opérationnalisation de ce mécanisme de lutte contre le blanchiment de capitaux.
Le registre des bénéficiaires effectifs sera le pendant du registre de commerce. Géré par le ministère de la Justice, ce dernier est critiqué pour son opacité. Le nouveau venu sera confié au ministère des Finances ou un établissement qu’il désigne. L’option de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale a été évoquée.
Publié le 23 septembre, le décret fixe les modalités de la tenue du nouveau registre, les données qui y sont centralisées, les obligations des personnes déclarantes et les conditions d’accès aux informations.
Il s’agit de dresser la liste des personnes morales exerçant des activités commerciales au Royaume, tout en identifiant leurs bénéficiaires effectifs. Autrement dit, les personnes pour le compte desquelles se font des transactions et qui détiennent une part importante dans les entités concernées. Ce mécanisme vise à empêcher les criminels et leurs associés d’infiltrer le marché.
Le registre devra ainsi recueillir, centraliser et stocker les informations concernant ces personnes. On vise les bénéficiaires des entités constituées au Maroc ainsi que les sociétés étrangères qui exercent leurs activités à l’intérieur du territoire national. Le décret cite également les constructions juridiques créées hors du territoireet qui réalisent des opérations financières ou immobilières ou toute autre forme de service au Maroc, via des administrateurs qui y résident.
Pour les sociétés, les bénéficiaires sont les personnes physiques qui détiennent, de manière directe ou indirecte, une part égale ou supérieure à 25% dans le capital ou de droit de vote. En cas de doute ou de difficulté d’identification, sera considéré comme bénéficiaire toute personne exerçant un contrôle sur la société, de quelque manière qu’il soit. A défaut, on se tourne vers la personne physique qui occupe un poste de dirigeant principal.
Pour les constructions juridiques, on parle notamment des créateurs, secrétaires ou toute autre personne exerçant un contrôle effectif.
Le fonctionnement du registre
Le registre sera géré via une plateforme numérique. D’ailleurs, le décret n’entrera en vigueur qu’à la date de la création de cette plateforme. Les sociétés et constructions juridiques créées avant cette échéance, auront un délai de 3 mois pour se conformer aux nouvelles dispositions.
La base de données du registre sera enrichie par les déclarations auxquelles procéderont les représentants des entités concernées. Les informations demandées sont listées par le décret. Elles couvrent tous les détails au sujet de l’entité déclarante et de ses bénéficiaires (Identité, répartition des parts, droit de vote etc.).
Le registre est dit « public », sans être accessible au grand public (c’est le cas en France). Le texte énumère les autorités et instances habilitées à l’accès aux informations du registre. On y retrouve, notamment, le pouvoir judiciaire, l’Autorité nationale du renseignement financier, la DGI, la Douane, BAM, l’Office des changes, l’AMMC, l’ACAPS etc. Les données pourront servir au titre de la coopération internationale.
La déclaration est obligatoire. Elle se fera de manière électronique. Les informations doivent être correctes, authentiques, actualisées.
Déposer une information incorrecte ou non-actualisée est passible d’une amende atteignant 100.000 DH, sans préjudice de sanctions pénales plus sévères (ex : faux et usage de faux).
La déclaration n’est pas validée si l’une des pièces ou informations réclamées fait défaut. L’irrecevabilité est suivie d’une notification au concerné, l’invitant à régulariser sa situation sous 15 jours. A défaut, la déclaration est rejetée. La non-régularisation est considérée comme un défaut de déclaration, infraction passible d’une amende de 5.000 à 50.000 DH.
Pour les sociétés nouvellement créées, la déclaration doit être faite, dans un délai d’un mois à compter de la création. Les modifications opérant sur ces entités ou leurs bénéficiaires doivent être déclarées selon le même délai.
Quant aux constructions juridiques, le délai d’un mois court à partir de la première opération au Maroc ou la nomination de la personne résidant au Maroc et évoluant, comme administrateur pour ladite construction. Une demande de radiation doit être déposée un mois après l’arrêt de l’activité.
La radiation du registre de commerce entraîne, pour les sociétés, celle du registre public des bénéficiaires effectifs. Les constructions juridiques sont radiées après notification, aux autorités, de l’arrêt des activités au Maroc ou lorsque leurs administrateurs au Maroc perdent cette qualité.
Les données et les pièces justificatives y afférentes, seront préservées pour une durée de dix ans après la radiation.