LE projet de loi 31-10 modifie et complète le code pénal, le code de procédure pénale et la loi anti-blanchiment d’argent (voir p. 2). Traquer l’argent sale et impliquer encore plus tous les acteurs du marché financier. Ceux de l’immobilier, de l’art, des pierres précieuses… devraient faire preuve d’une plus grande vigilance.
· Confiscation, une sanction obligatoire
Le projet de loi consacre une plus large pénalisation des actes terroristes. Il inclut ainsi les actes «de financement de personnes ou de bande criminelle visant à commettre un crime terroriste». La logique ici dépasse celle du financement direct.
A priori, toute personne qui verse même indirectement de l’argent, contribue à faciliter les opérations de transfert (transport, virement, dépôt…) ou fait fructifier des fonds risque une condamnation pénale. La sanction s’étendra aussi aux biens: confiscation des revenus, des biens utilisés ou acquis via le financement du terrorisme. Même les biens destinés à sa réalisation n’y échappent pas.
La nouveauté réside aussi dans le fait que «la sanction devient obligatoire» à condition qu’il y ait condamnation. D’où par ailleurs la définition assez large des revenus et du patrimoine. La confiscation englobera tous les biens acquis directement ou indirectement par le financement d’actes terroristes. Les biens matériels et immatériels, meubles ou immeubles soumis au régime de la propriété individuelle ou indivis sont ciblés. De même pour les contrats et documents qui prouvent la propriété de ses biens ou les droits y afférents.
· Compétence élargie pour les juridictions
Le texte actuel ne cerne pas assez l’élément intentionnel lorsqu’il s’attaque au blanchiment d’argent. Une faille à laquelle veut remédier le projet de loi. Par ailleurs, celui-ci élargi les cas de figure de l’élément matériel constitutif de l’infraction du blanchiment. Dans le cas d’espèce, il s’agit des actes de transferts des biens.
La future loi opte pour une application extensive du principe de la territorialité des peines et des délits. La compétence des juridictions nationales a été ainsi élargie.
Ces dernières peuvent juger même les affaires de blanchiment d’argent commis initialement à l’étranger. Mais à condition bien sûr qu’ils aient eu des ramifications au Maroc. D’autres infractions ont été ainsi ajoutées par le projet de loi: appartenance à une bande organisée; exploitation sexuelle; escroquerie; falsification et piratage; contrebande; infractions environnementales; kidnapping, séquestration et prise d’otages; détournement d’avions, de bateaux ou de tout autre moyen de transport; atteintes au système d’information…
· Obligation de vigilance renforcée
Elargir la sphère des personnes physiques et morales soumises à la loi relative à la lutte contre le blanchiment d’argent, tel est le but de ce texte en cours de discussion au Parlement. Sont ainsi concernés: Bank Al-Maghrib, les sociétés de transfert de fonds, bureaux de change, sociétés de Bourse, intermédiaire s’activant dans l’immobilier, négociants de pierres précieuses, des métaux précieux et des œuvres d’art. Ils auront ainsi l’obligation d’assurer un contrôle spécial, de mettre en place des mesures de veille dédiées surtout pour détecter les clients douteux, voire aussi les clients ayant des relations d’affaires dans des pays black listé (Algérie, Iraq, Afghanistan…). Cette obligation renforcée de vigilance s’impose aussi aux filiales et succursales des établissements financiers. Le ministère de la Justice met l’accent sur la protection des systèmes d’information et la mise à jour juridique des dossiers des clients.
· L’ouverture de compte sous la loupe
Les personnes qui y sont légalement habilitées devront être plus pointilleuses. Ils auront l’obligation de s’assurer de l’identité du client avant de lui ouvrir un compte. Fini les comptes anonymes ou ouverts sous des noms d’emprunts? La note de présentation du projet de loi 31-10 pousse à penser que ce sont des pratiques qui existent. Surtout qu’elle parle aussi de banques devant s’interdire toute relation avec des établissements financiers fictifs. Elles devraient s’assurer également que leurs partenaires à l’étranger respectent les normes anti-blanchiment. L’obligation de vigilance s’accentue. Car le projet de loi assimile toute tentative de blanchiment d’argent à celle réellement commise. Le projet de loi 31-10 précise pour la 1re fois la qualité des autorités de supervision et de contrôle: le ministère de la Justice, Bank Al-Maghrib, la Direction des assurances et de la prévoyance sociale, le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM), l’Office des changes et l’Unité de traitement des renseignements financiers.
· Sanction et recours
L’Unité de traitement financier (URF) est expressément consacrée comme étant compétente à faire respecter la loi. Bank Al-Maghrib, sociétés de Bourse, banques… doivent donc lui communiquer tous les documents ou les informations demandées.
L’Unité voit sa responsabilité pénale et civile davantage désengagée. Même chose pour les autorités de supervision et de contrôle… Un régime dérogatoire dont devrait bénéficier également certaines personnes morales de droit public ou privé… Les sanctions administratives seront aggravées en cas de manquement à l’obligation de vigilance… Exemple: retrait définitif d’une licence d’activité. L’Unité de traitement financier aura le droit de bloquer les biens de toute personne ou organisation impliquée dans des actes terroristes. A condition qu’ils aient des demandes de la part d’instances internationales telle qu’Interpole. Le recours en annulation contre les décisions de l’Unité pourra se faire au tribunal administratif de Rabat.
F. F.